En tapant « art et politique » sur les moteurs de recherche, une déclinaison de titre et de mots-clé s’affiche : L’artiste et la politique en des temps difficiles, Art et engagement, Pour ou contre l’art engagé ? Art et militantisme ? Relation art et pouvoir, L’art au service d’une communication politique, L’art est-il politique ? L’artiste doit-il avoir un impact dans la société ? L’art un outil politique ? L’artiste, à t-il encore une valeur politique ? En outre, on trouve également des ouvrages, des articles… tel que : « Aujourd’hui en politique l’artiste est un figurant un visage et plus du tout une voix », ou « Artistes et politiques : des lendemains qui (dé) chantent... ». Honnêtement, je n’ai pas lu ces contenus, pourtant, en tant qu’artiste, je me suis souvent interrogé sur l’artivisme et l’artiviste. Quoi qu’il en soit, cette question est toujours d’actualité, c’est pourquoi, j’ai souhaité échanger sur ce sujet !

Qu’est–ce que l’artivisme ?

Par définition, l’artivisme (art militant et activisme artistique), est un mot-valise composé des termes art et activisme, est un néologisme qui désigne l’Art relatif aux préoccupations politiques, souvent proches de mouvements altermondialistes et anti-guerres.

Ainsi, l’artiviste est un artiste intermondial, activiste, et non-violent.

Des artistes engagés…

De tout temps, des artistes ont utilisé leur art (ou leur voix), pour manifester contre certaines réforme, s’indigner face à des injustices ou sensibiliser le gouvernement sur des sujets dit sensible, qui alertait l’opinion publique, à l’instar de :

La liberté guidant le peuple  d’Eugène Delacroix réalisé en 1830, inspirée de la révolution des Trois Glorieuses (deuxième révolution française après celle de 1789).

Le radeau de la Méduse de Théodore Géricault, qui illustre en 1818, un épisode tragique de l’histoire de la marine coloniale française : le naufrage de la frégate Méduse.

– La toile monumentale Guernica, peint en juin 1937 par Pablo Picasso, pour dénoncer le bombardement de la ville de Guernica, qui eu lieu 3 mois plus tôt, lors de la guerre d’Espagne

– Le célèbre artiviste urbain-contemporain, JR, avec ces projets monumentaux, comme Portrait d’une génération qui constitue la première étape du projet 28 Millimètres. À la suite d’une première exposition sauvage sur les murs de la Cité des Bosquets, l’artiviste s’installe en plein cœur de ce quartier et de la cité voisine de la Forestière à Clichy-sous-Bois, épicentres des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises.   

Suite à quoi il dira ceci : 

J’aimerais amener l’art dans des endroits improbables, créer avec les communautés des projets tellement grands qu’ils forcent le questionnement. Tenter dans les zones de tensions comme le Moyen-Orient ou le Brésil qui sont fortement médiatisées, de créer des images qui offrent d’autres points de vue que celles, réductrices, des médias globalisés. »

JR

Et artiviste !

Lors d’une interview accordée à Artistikrezo.com en novembre 2016, l’artiviste Kader Attia dira :

Il est temps que l’art soit politique ».

Kader Attia

Aux questions :

C’est un postulat, l’art doit être politique ? « 

Il y a plusieurs niveaux de lecture de cette idée même d’un art politique ? »

Questions de l’intervieweuse Stéphanie PIODA

Il répond :

Aujourd’hui oui. La création est politique de facto. Oui, mais même lorsque Van Gogh peint ses tournesols, il fait un acte politique! J’entends par « politique » toute relation mutuelle, l’être ensemble. Lorsqu’on crée une œuvre d’art, on se met ensemble et on s’expose. La politique ne consiste pas seulement à sortir dans la rue avec des fumigènes : il s’agit de prendre en compte le monde dans lequel on vit ».

Kader Attia

Alors, quelle différence faites vous avec l’engagement ? »

La journaliste

Et bien, l’engagement, c’est considérer que l’art est le miroir du monde. On ne peut pas rester silencieux à une époque où prendre un verre sur une terrasse devient dangereux. Toutes les personnes qui restent silencieuses sont prises de mensonge. C’est pour cela que les névroses et l’analyse psychanalytique m’intéressent, car personne ne ment à son ego. Face aux attentats de Charlie et du Bataclan, mon projet Colonie se doit d’exister.

Et, à votre question « l’art doit-il être politique ? », je répondrai qu’il est temps qu’il soit politique. On doit vraiment apporter du contenu dans la création, du contenu sémantique. Si une chose manque au discours politique dans l’art, c’est la transmission.

Ainsi, aussi intelligentes et intelligibles puissent être les œuvres d’art, si elles n’atteignent pas les personnes concernées – victimes ou bourreaux – elles ne servent à rien. »

Réponse de Kader Attia

« Notre monde brûle ! »

Dès lors, c’est en me rendant au Palais de Tokyo, que j’ai visité l’exposition « Notre monde brûle ! » qui propose un regard artiviste sur la création contemporaine depuis le Golfe Persique où les guerres et les tensions diplomatiques n’ont cessé de déterminer l’histoire de ce début de XXIe siècle. 

Depuis la découverte de la présence des combustibles fossiles dans le sous-sol du Koweït au cours des années 1940, l’industrie pétrolière est à l’origine d’une des croissances économiques les plus importantes dans la région du golfe.

Cette activité a rendu nécessaire le développement d’équipements spécialisés et de forages de plus en plus profonds. Avant le pétrole, l’économie de la région reposait principalement sur la pêche de perles et son commerce.

À la suite de ses recherches sur cette ressource, l’artiste koweïtienne Monira Al Qadiri a travaillé sur les ressemblances formelles entre les perles et le pétrole, dont les couleurs iridescentes et nacrées se complètent.

Objets hybrides, les six sculptures de la en eaux profondes qu’a la brillance des perles et les marées de et met en avant l’aspect éphémère de toute économie.

Inspiré du cartel du Palais de Tokyo, rédigé dans le cadre de l’exposition « Notre monde brûle ! « 

En réaction à ce phénomène, l’artiviste Monira Al Qadiri dira :

Le pétrole est tellement ancré dans ma vie qu’il fait presque partie de mon corps, de mon sang. Lorsqu’il aura disparu, nous serons la génération synonyme de cette matière, de ce moment délirant de l’histoire. J’imagine alors dans mon travail un monde où le pétrole ne vaut rien plus rien. Je voyage dans le temps vers ce futur inévitable. »

Déclaration d’ Al Qadiri

L’artiste-artiviste présente en 2016, OR-BIT 1, une sculpture en lévitation qui évoque une foreuse pétrolière. De ce fait, elle tourne lentement sur elle-même, comme si elle voulait percer le ciel malgré son équilibre fragile. Telle une tour de Babel miniature, cette œuvre incarne la démesure du désir de richesse et de contrôle des êtres humains sur leur environnement.

L’artiviste Quatarien FARAJ DAHAM

Le travail de Faraj Daham scrute la transformation des modes de vie dans les pays du Golfe, l’essor urbain de Doha qui bouleverse les modes de vie des Qatariens, le tiraillement entre la persistance de l’organisation tribale des relations humaines et les nécessités économiques d’une capitale internationale.

Son œuvre Street Language peint en 2012, est un portrait d’ouvriers anonymes que l’artiste a rencontrés sur les chantiers de construction, dans leur cabane de repos aux heures de canicule. Ils portent des masques pour se protéger contre le soleil et le sable. Les travailleurs étrangers constituent près de 80% de la population du pays qui compte 2,5 millions d’habitant en 2019.

Or, invisible, mais essentiels à l’urbanisation, ces ouvriers du bâtiment immigrés sont les héros d’un quotidien auxquels, l’artiviste Faraj Daham, rend hommage dans cette peinture, qui fait appel à la signalétique des chantiers. Ainsi qu’au papier de verre et au sable, provenant  de site de construction.

Frontal et direct, ce portrait agit avec une efficacité visuelle, mais se veut aussi en prise avec une réalité sociale souvent déniée : celle d’hommes invisibilisés dont le travail dont le travail dans les villes n’est pas reconnu.

Inspiré du cartel du Palais de Tokyo, rédigé dans le cadre de l’exposition « Notre monde brûle !  »

SAMMY BALOJI l’artiviste Congolais

Effectivement, je ne m’intéresse pas au colonialisme comme événement du passé, mais au plutôt comme continuation du système.

Par ailleurs, je vis en Belgique depuis 2010.

Et pourtant, je n’ai jamais vu d’exposition portant sur les deux guerres mondiales, qui mentionnaient l’implication de l’Afrique et leurs conséquences sur le continent africain. Pourtant, beaucoup d’ouvriers africains, ont été amenés à produire du cuivre pour fabriquer des bombes.

Des soldats africains sont morts en Tanzanie et au Rwanda. Mais tout n’est encore vu qu’à partir d’un seul point de vue. Alors je rassemble des histoires qu’on cherche habituellement à séparer. »

SAMMY BALOJI

Dès lors, l’archive est le point de départ de réflexion de l’artiviste Sammy Baloji. C’est à travers elle qu’il explore en 2018, le passé colonial de la République Démocratie du Congo et ses conséquences sur le patrimoine naturel, culturel et industriel de la région du Katanga. Son œuvre présentée ici révèle l’histoire complexe de l’approbation des matières premières de cette région par les puissances occidentales.

En effet, lors de deux Guerres mondiales, l’exploitation du cuivre dans les mines du Katanga, augmente considérablement, en raison de la production d’obus. Les douilles de ces obus, souvent gravées par des poilus, s’achètent aujourd’hui sur de nombreux sites Internet de revente. Elles témoignent d’une pratique populaire en Belgique consistant à les utiliser comme objets de décoration ou pots de  fleurs.

Ici, Baloji y place des plantes originaires des zones ministères du Katanga que l’on trouve aujourd’hui fréquemment dans les jardins botaniques et les commerces européens. Ainsi, cette installation de 41 douilles d’obus (datant de 1914-1945), marque le retour du matériau à son territoire d’origine, tout en n’ignorant pas les parcours complexes, et d’abord forcées, de leur circulation.

L’artiste entrelace le vivant organique avec le morbide propre aux armes de guerre. Il rend hommage aux morts et aux histoires occultées de l’Afrique qui continuent à hanter le présent.

Inspiré du cartel du Palais de Tokyo, rédigé dans le cadre de l’exposition « Notre monde brûle ! »