Raoult : un artiste révolté
Bien que cette retraite de 1901 fût salutaire pour l’artiste, il émerge de son confinement spirituel, et entre dans une période de révolte picturale.
Son art contestataire, tend à s’associer à la pensée des fauves et des expressionnistes, cependant, Rouault reste un inclassable.
Contrairement aux fauvistes qui privilégient la violence par des couleurs vives, le peintre coloriste a un message fort, qu’il représente avec sévérité:
- la figure du Christ
- la sincérité de la foi
- la nécessité de la spiritualité
- l’emblème de la justice
- la représentation de l’hypocrisie humaine
Du confinement au déconfinement des mentalités
Malgré une foi inébranlable, Rouault a une âme triste et horrifiée par une société qu’il ne comprend pas. C’est dans cette période sombre qu’il pose ses regards sur un sujet tabou : la prostitution.
Il traite ce thème de manière originale. Il a conscience que sa démarche picturale choque, mais il assume. Ainsi, il illustre ces femmes nues, aux silhouettes usées, avec un geste certain. Il les représente franchement, en gros plan et sans détour.
Il dira :
» Là où le monde (en confinement) trouve ténèbres et horreur, j’ai trouvé tels trésors et pudeur, délicatesse extrême, persévérance et doux amour ».
Georges Rouault
Par cette toile crue et audacieuse, il renvoie aux bourgeois impies, leur propre hypocrisie et leur indifférence à l’égard des petites gens.
Pour le peintre, ces pharisiens devraient faire preuve de compassion envers ces filles, et non de jugement.
En exposant Filles, Rouault proclame le verset biblique du nouveau testament :
toi qui à l’apparence de la piété, tu renie ce qui en fait la force ».
En 2 Timothée 3.5
Rouault et le plus vieux métier du monde…
Aussi, il est bon de rappeler, que Christ avait de l’empathie pour les prostituées, il les aimait sans pour autant cautionner leur mode de vie.
Néanmoins, ces femmes en confinement, étaient perçues comme la « honte » de la société, seront les premières à croire au message de l’Évangile.
En Mathieu 21.31-32, on peut lire:
En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car, Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui ; Mais les publicains, et les prostituées ont cru en lui ; et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui ».
Bible : Mathieu 21.31-32
Aussi, dans la généalogie de Jésus, se trouvent les deux prostituées: Tamar, et Rahab (Mathieu 1.3-5).
Rouault : Honoré Daumier de la peinture ?
Hormis le plus vieux métier du monde, Rouault s’intéressa à d’autres visages de la société, comme: les gens du cirque, les chômeurs, les ouvriers, les paysans, les juges, les politiciens…
Tantôt sévère face à l’injustice, tantôt empathique à l’égard des malheureux, tous sont passés sous le pinceau de l’artiste.
Comme un lanceur d’alerte, Rouault montre les dysfonctionnements de la société. Son but n’est pas de juger ce monde en confinement, ou de le condamner, mais d’exposer la laideur de l’âme humaine (Jean 3.17). C’est une invitation à l’introspection proposée à tous les hommes qui veulent changer.
Rouault dira de lui même :
J’étais un mystique et j’ai accouché d’un enfant revendicateur et farouche, qui montre le poing à la société dès sa naissance, j’étais pour certains d’entre eux un homme qui doit regarder le ciel avec des yeux blancs comme le saint Augustin ou la sainte Monique d’Ary Scheffer ».
G.Rouault
Confinement du monde vs Lumière du monde
La peinture de Georges Rouault, nous renvoie toujours un discours franc et direct.
Toute sa vie, il ne décolérera pas contre une société athée, qui cultive une vie de confinement insipide et obscure. En sachant, qu’à chaque acte de cruauté, d’orgueil, d’obscénité dont ces hommes et ces femmes font preuve, ils font le choix de la mort (péché) et non de la vie éternelle (salut).
Néanmoins, Rouault est un chrétien, qui porte en lui la lumière du Christ. De même que Jésus est la lumière du monde ; celui qui le suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Jean 8.12, Jean 9.5.
Ainsi la frustration du peintre est transcendée par cette révélation en 2 Corinthiens 4.6 :
Car Dieu qui a dit : La lumière brillera du sein des ténèbres !’ a fait briller la lumière dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ ».
Bible: 2 Corinthiens 4.6
Rouault : un révélateur de conscience ?
Comme tout chrétien qui se doit, Rouault vivait le passage des Actes 13.47 :
Car ainsi nous l’a ordonné le Seigneur : Je t’ai établi pour être la lumière des nations, pour porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre ».
Bible : Actes 13.47
Et c’est en cela, que le peintre ne peignait pas pour condamner les non-croyants, mais pour les orienter vers la repentance. Rouault avait la foi dans le rachat de l’humanité, par Le rédempteur.
En 1914, il dira :
Le néant de la créature est si grand, l’impuissance des hommes les uns vis-à-vis des autres si profonde, si absolue… En passant en Dieu, tout est transfiguré… ».
G.Rouault
Après 1930, Rouault ne se focalisait plus sur l’état du monde en confinement, mais il fixait ses yeux sur Jésus (Hébreux 12.2). Il avait enfin trouvé « la paix » en Lui (Jean 14.27, Esaïe 26.3).
Quelques années plus tard, il déclarera ceci:
Au fond des yeux de la créature la plus hostile, ingrate ou impure, Jésus demeure ».
G.Rouault, 1939.
Jésus, sa planche de salut !
Contrairement, à Rembrandt, il ne se représentait pas dans les scènes de confinement de la passion du Christ, mais il laissait toute la place au Sauveur. Tel que Le Christ en banlieue peint vers 1920 ou Ecce-Homo en 1952.
Rouault fut un artiste très controversé. Malgré la violence et la puissance de ses créations, son œuvre est restée profondément chrétienne. On y trouve un équilibre entre la virulence et la sensibilité.
Toute sa vie il est resté fidèle à Dieu, à ses valeurs et à la mémoire de son mentor, dont il dirigera un temps: le Musée Gustave Moreau.
Rouault aura peint 800 tableaux, dont 300 qu’il brûlera, n’ayant plus le temps de les restaurer. Cet acte qui peut nous sembler incompréhensible, montre qu’il était détaché de toute cupidité, préférant l’excellence à la médiocrité.
Ses 300 toiles détruites étaient estimées à plus d’un demi milliards de francs.
» L’amour de l’art, c’est une rédemption continuelle »
Georges Rouault, en 1912